Gaza : Légitime défense d’Israël ou agression ?

par Joseph Roubache Président du Comité Français de l’Association Internationale des Juristes Juifs, pour le CRIF

L’émotion suscitée par le sort des victimes civiles des combats opposant les soldats israéliens aux combattants du Hamas dans la bande de Gaza permet-elle encore d’analyser, avec un recul suffisant, les responsabilités encourues par chacune des parties en cause ?

Dès le début des opérations militaires israéliennes, le Président Sarkozy avait souligné la « lourde responsabilité du Hamas dans les souffrances du peuple palestinien ».


Qu’en est-il au regard des normes du droit international ?

L’État d’Israël, en agissant comme il le fait, a-t-il usé de son droit de « légitime défense » ou s’est-il rendu coupable d’une agression, voire de crimes de guerre ?

Pour répondre à cette interrogation, le droit international met à notre disposition deux types de critères.

Le premier est fondé sur la règle normative de l’article 51 du chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui stipule que la légitime défense est un « droit naturel : c'est-à-dire un droit inhérent à la nature des choses et non susceptible d’une remise en cause de quelque manière que ce soit, un droit dont l’usage est justifié en réplique à une « agression armée ».

Le second critère résulte de la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui, dans son arrêt de principe de 1986 (Nicaragua c/ États Unis d’Amérique) ajoute aux exigences de l’article 51 celles d’une riposte « immédiate nécessaire » et « proportionnée ».

En la circonstance, les populations civiles des villes du sud d’Israël se sont trouvées sous le feu des roquettes Kassam et Grad tirées par la branche armée du Hamas, à partir du territoire de Gaza.

Ces tirs de roquettes constituent, à n’en pas douter, un « acte d’agression » tel que défini par l’article 3 de la résolution 3314 de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 14 décembre 1974.

Ils sont, selon la résolution 1373 du Conseil de Sécurité du 28 septembre 2001, « une menace à la paix et à la sécurité internationale ».

C’est ce que confirmait d’ailleurs l’ambassadeur Levitt au lendemain du 11 septembre 2001 en assimilant les actes de terrorisme à la notion d’agression ou d’attaque armée.

C’est dans ces conditions que la décision unilatérale du Hamas de mettre un terme à la trêve a été le fait déclencheur de la riposte israélienne, une riposte nécessaire et immédiate.

Reste la question de la proportionnalité de la riposte avec l’agression.

Certains n’ont pas manqué de faire la comparaison entre les conséquences pour les populations civiles de l’ampleur de l’opération militaire conduite par Israël et celles des tirs de roquettes sur les villes du sud d’Israël pour, en définitive mettre en question cette proportionnalité.

Une telle opinion, pour autant qu’elle puisse paraître admissible à première vue, n’est pourtant que l’effet recherché du cycle « provocation/répression » tel que mis en place par le Hamas et dans lequel l’agresseur réussit à se positionner en victime tandis que la victime se voit attribué le rôle d’agresseur.

Pour déjouer un tel scénario il faut nécessairement replacer chacun des antagonistes dans sa véritable vocation.

A ce jour Israël est confronté à un terrorisme qui a un visage : le Hamas et un objectif : l’élimination d’Israël.

Certes certains dirigeants du Hamas et notamment son chef politique Khaled Machaal, ont-ils laissé entendre qu’ils pourraient s’accommoder de la réalité « de l’entité appelée Israël sur la terre palestinienne, ce qui a pu être interprété comme une reconnaissance implicite d’Israël.

Mais le même Khaled Machaal, contredisant ses propos, affirmait encore, fin décembre 2008, quelques jours avant l’offensive israélienne : «Nous avons une position de réserve par rapport à la reconnaissance d’Israël ».

De même le porte parole du Hamas Ismaël Radwan déclarait en février 2007 : « La position du Hamas est connue : la non reconnaissante de l’entité sioniste ».

D’ailleurs la Charte de 1988 du Hamas – prétendument en révision mais toujours aujourd’hui en vigueur – préconise la création d’un État religieux fondé sur l’Islam (article 9) s’étendant sur l’ensemble du territoire de la Palestine et rejetant toute négociation pour régler les questions palestiniennes (article 13).

Dès lors les termes de comparaison pour apprécier « la proportionnalité de la riposte israélienne à l’agression du Hamas » se trouvent inversés : l’agresseur est le Hamas et la victime justifiée dans son droit de légitime défense est Israël, puisque contestée dans sa propre existence ou, à tout le moins, dans la pérennité de la sécurité de ses citoyens.

Comment en effet, un État aurait-il pu réagir différemment d’Israël face au mouvement terroriste Hamas, dissident de l’Autorité palestinienne, qui, en lançant ses roquettes, a non seulement pour but d’atteindre la personne et les biens de ses citoyens, mais encore de le déstabiliser en maintenant sur une partie de son territoire un climat permanent d’insécurité et de peur ?

En vérité, les peuples israélien et palestinien ont tous deux et comme tous les autres peuples, un droit humain imprescriptible à la paix tel que solennellement reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies du 12 novembre 1984 dans sa résolution 39/11 et depuis lors maintes fois reprise.

La communauté internationale saura-t-elle trouver les voies et moyens pour contribuer à l’instauration de cette paix ?

Joseph Roubache Président fondateur du Comité Français de l’Association Internationale des Juristes Juifs

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