La Catalogne ne s’embarrasse plus de prétextes ni de précautions oratoires. En annulant une cérémonie commémorative de la Shoah elle exprime clairement l’origine de ses refus : que les Israéliens se défendent ou que des Juifs soient exterminés, les vivants et les morts lui inspirent le même rejet. Manifestations inquiétantes contre les premiers, silence qui voudrait effacer jusqu’à la mémoire des seconds ?
L’antisémitisme reste très présent dans ce royaume où l’Édit d’expulsion des Juifs ne fut révoqué qu’au bout de cinq siècles*.
Constante plutôt que nostalgie d’un temps révolu
Au moment de la crise financière, la presse spécialisée n’a pas hésité à s’intéresser… à la généalogie des responsables de banques. Le scandale expliqué par les origines, ou les réminiscences d’une Europe fascisante.
La guerre d’Israël contre les terroristes du Hamas a suscité dans tout le pays des rassemblements particulièrement haineux. Les amalgames obscènes entre Israël et l’Allemagne nazie se sont affichés sur les murs, sur les banderoles, ont été scandés par des foules négationnistes qui comparaient ce qui ne peut l’être. Déformer une réalité est une façon de la refuser.
Les slogans antisémites s’écrivaient sur les murs et les tracts, se criaient dans les rues.
On songeait, à les voir et à les entendre, à cette Espagne franquiste qui approuva la Nuit de Cristal. Si elle s’est démocratisée depuis , elle n’a pas renoncé à tous ses penchants. À défaut de changer le fond, on y met un semblant de formes.
On n’approuve plus si nettement. Mais toute liberté est laissée aux foules d’exprimer leur aversion et de nier l’atroce spécificité de la Shoah. Volonté de favoriser officiellement ce déni ? Elle ne sera pas commémorée comme elle devait l’être en Catalogne. Une des cérémonies a été vouée au silence méprisant, indifférent et délibéré de toute une province. Inscrire l’oubli.
Déjà l’ambassadeur d'Israël en Espagne, Raphael Schutz, s’était inquiété de la passivité du gouvernement catalan face au climat «anti-israélien et antisémite» qui règne dans la région. Dans une lettre adressée à la Generalitat de Catalunya, il demandait une condamnation sans équivoque de l’attaque commise contre une synagogue de Barcelone.
Il rappelait également que le ministre de l'Intérieur catalan** avait participé à un rassemblement où des drapeaux israéliens avaient été brûlés et où des personnalités soutenant Israël avaient été dénoncées comme criminelles. Les manifestants brandissaient des ‘documents’ où figuraient leurs noms.
La Catalogne dément ce climat antisémite. Nier, dénier, démentir, quelques variantes sur le thème du mensonge et du déshonneur. Fidélité oblige, en ce pays qui imagina, des siècles avant le nazisme, l’aberrante notion de limpieza de sangre - pureté de sang ?
Dans une Europe où les actes antisémites se multiplient, une province espagnole franchit un pas de plus.
Bernadette Capdevielle © Primo 25 janvier 2009
*En 1992, par le roi Juan Carlos. Les relations diplomatiques avec Israël n’ont été établies qu’en 1986.
** ICV-EUIA, coalition composé essentiellement d'ex-communistes et de Verts.
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