NETANYAHOU : DISCOURS DE BAR-ILAN...


“c’est un oui mais, qui place la balle dans le camp palestinien, mais aussi dans celui de la communauté internationale.”

ISRAËL-NETANYAHOU-DISCOUR DE BAR-ILAN : “Binyamin Netanyahou a eu raison de rappeler que la présence israélienne en Cisjordanie n’est pas la cause du conflit, mais l’une de ses conséquences ”, estime Emmanuel Navon.

Par Mati Ben-Avraham

Dimanche soir, à une heure choisie avec soin – celle de la grande messe médiatique des journaux télévisée du soir, en un lieu hautement symbolique – l’auditorium Menahem Begin-Anouar Sadate de l’université Bar-Ilan, Binyamin Netanyahou a franchi son Rubicon idéologique : il a parlé d’un Etat palestinien, démilitarisé certes, mais un Etat palestinien quand même.

Pour analyser ce discours de 1500 mots, étalé sur 25 minutes, j’ai fait appel à Emmanuel Navon, professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan.

Mati Ben-Avraham : Après avoir tergiversé près de deux mois, après avoir risqué une mésentente avec Washington, c’est donc un oui à l’Etat palestinien, un oui mais, néanmoins…

Emmanuel Navon : Effectivement. C’est, pour la première fois de la part de Binyamin Netanyahou, l’acceptation d’un Etat palestinien, mais pas n’importe comment. Le premier ministre a posé deux conditions très claires pour l’établissement d’un tel Etat. D’abord l’acceptation de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat-Nation du peuple juif. Ce qui implique explicitement, la renonciation par la partie palestinienne au droit au retour des réfugiés, qui conduirait par la force des choses à une majorité arabe au sein d’Israël. Ensuite, la démilitarisation de cette entité, pour ne pas répéter le scénario de la bande de Gaza, un retrait qui s’est soldé par des pluies de roquettes et des Kassam sur les localités israéliennes limitrophes, mais aussi ne pas renouveler l’erreur des différents accords de retrait depuis Oslo, qui a mené aux vagues de terrorisme anti-israéliennes. Alors, c’est un oui mais, qui place la balle dans le camp palestinien, mais aussi dans celui de la communauté internationale.

MBA : A ce niveau justement, une première réaction américaine, à propos des implantations, a été de dire : c’est bien, mais insuffisant…

Emmanuel Navon : Il y a quelque impudence à tenir de tels propos. Nous ne sommes pas à un oral de fin d’année où l’élève répond aux questions du professeur. Israël est un Etat souverain, qui se doit de veiller à ses intérêts propres, surtout quand il s’agit de la sécurité de ses citoyens. Je me permets de souligner que Jimmy Carter, qui n’est pas pro-israélien à ce que je sache, était aujourd’hui (NDLR : soit dimanche) à Gush Etzion, ce bloc de localités au-delà de la ligne verte, et qu’il a déclaré qu’il serait aberrant, impensable que Gush Etzion ne continue pas à faire partie de l’Etat d’Israël. Il y a un engagement américain, la lettre de Bush à Sharon de 2004, quant aux grands blocs d’implantation qui demeureront sous souveraineté israélienne. Nul ne peut empêcher les habitants de ces blocs d’avoir des enfants, donc une croissance naturelle qui crée des besoins. Je crois que sur ce point, Israël respecte les clauses de l’accord avec l’administration Bush. Décemment, Washington ne peur demander à l’actuel gouvernement de respecter les engagements pris par ses prédécesseurs tout en faisant fi, lui-même, des engagements pris antérieurement.

MBA : Alors, Binyamin Netanyahou a emboité le pas à Rabin, Barak, Sharon et Olmert, mais en faisant entendre un tout autre ton, une toute autre approche quant aux responsabilités du conflit israélo-arabe qui perdure…

Emmanuel Navon : Absolument. Et avec raison. Il est temps de dire les choses telles qu’elles se sont produites. La source du conflit israélo-palestinien n’a jamais été d’ordre territorial. Qu’il n’a pas son origine dans l’occupation de territoires suite à la guerre de six jours. Les racines du conflit, et Binyamin Netanyahou a bien fait de le souligner, sont dans le refus de reconnaître le lien historique, affectif entre le peuple juif et cette terre, droit des Juifs à établir un Etat souverain ici. Aussi, prétendre que restituer les terres conquises en juin 1967 mettra un terme au conflit relève de l’absurde. La preuve est que, entre 1948 et 1967, les attentats, les agressions se sont multipliés contre Israël alors même que la Cisjordanie et la bande de Gaza étaient entre les mains des arabes. Et il n’en est pas moins vrai que tous les plans de partage proposés depuis 1938 à Camp-David de Clinton-Barak-Arafat en 2000 ont été rejetés par la ou les parties adverses. Le terrorisme arabe n’a pas commencé en 1967. Il est même antérieur à la création de l’Etat israélien. Il témoigne du refus d’accepter ce lien entre le peuple juif et cette terre, allant même jusqu’à nier l’histoire telle qu’elle s’est déroulée, à savoir les périodes du premier et du deuxième Temples en particulier. Binyamin Netanyahou a donc raison de rappeler que la présence israélienne en Cisjordanie n’est pas la cause du conflit, mais l’une de ses conséquences.

MBA : D’où l’exigence israélienne de reconnaître le caractère juif de l’Etat, ce qui n’avait été demandé ni à l’Egypte, ni à la Jordanie?

Emmanuel Navon : C’est ça. Parce qu’avec l’Egypte et la Jordanie, le conflit n’était que d’ordre territorial. Avec les Palestiniens, il s’agit d’un tout autre registre. Encore une fois, tous les retraits territoriaux opérés depuis 1993 n’ont en rien entamé le refus palestinien de reconnaître toute légitimité à notre présence ici. Refus dont la partie visible sont les attentats, mais qui se manifeste dans les manuels scolaires, les émissions de télévision, les sermons dans les mosquées…Il faut en être conscient, tant que ce refus perdurera, une paix réelle sera impossible.

MBA : Et pour finir, peut-on s’attendre à une recomposition du paysage politique israélien, suite à ce discours? A des mouvements de mauvaise humeur…A des cassures…

Emmanuel Navon : Le seul point de discorde, au sein de la coalition parlementaire est, évidemment, l’acceptation par le Premier ministre de la création d’un Etat palestinien. D’aucuns risquent, effectivement, de se révolter. Mais, étant donné que Binyamin Netanyahou a posé des conditions très claires, en rappelant le droit du peuple juif à sa terre, je crois que l’opposition interne ne sera que marginale. Et vu que des partis, le parti travailliste par exemple, n’ont pas de problème majeur avec le contenu des conditions de la paix fixé par le Premier ministre, je ne pense pas que la coalition parlementaire actuelle soit en danger.—


http://www.israelvalley.com/edito/2009/06/15/23138/israel-netanyahou-discours-de-bar-ilan-binyamin-netanyahou-a-eu-raison-de-rappeler-que-la-presence-israelienne-en-cisjordanie-n-est-pas-la-cause-du-conflit-mais-l-une-de-ses-consequences-estime-emmanuel-n

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