"Le sentiment dominant en Israël est un soutien massif à Tsahal"



LEMONDE.FR |

Dans un "chat" sur Le Monde.fr, Daniel Haïk, correspondant en Israël de Judaïques FM et Fréquence juive parisienne, auteur de Sharon, un destin inachevé, estime que la seule divergence au sein de la société israélienne concerne la duré de l'opération de l'armée dans la bande de Gaza.


Ouxis : Bonjour, d'après vous quels sont les buts concrets de l'intervention israélienne à Gaza ? Croyez-vous que ces buts pourront être atteints ? Et dans quel délai ?

Daniel Haïk : L'objectif de cette opération est clairement d'infliger au Hamas une leçon dont il se souviendra longtemps. Il n'est pas question pour les dirigeants israéliens de revenir à une situation de trêve provisoire qui permet au mouvement intégriste palestinien de se réarmer et de reprendre des forces, comme cela a été le cas au cours des six derniers mois de trêve. Je crois que l'on peut déjà dire que les objectifs – une partie importante d'entre eux tout au moins – ont été atteints, dans la mesure où même au sein de la direction du Hamas, on admet n'avoir pas envisagé une telle offensive, une offensive d'une telle puissance de la part des Israéliens.

La restauration de la force de dissuasion israélienne est aussi un des objectifs de l'opération, et de ce point de vue-là, cet objectif semble d'ores et déjà atteint, même si le Hamas dispose encore de ressources capables de frapper les forces israéliennes, et même de porter atteinte à la population civile.

Pour ce qui est des délais, les dirigeants israéliens veulent donner le sentiment que cette opération pourra être longue. Donc ils veulent d'emblée freiner toutes les initiatives de la communauté internationale qui pourraient vouloir instaurer un cessez-le-feu prématurément, c'est-à-dire avant que l'armée israélienne ait mis le Hamas à genoux.

Eric : Que répondent les Israéliens à ceux qui soutiennent que ce n'est pas le Hamas, mais Israël, qui rompu la trêve ?

Cela fait déjà huit ans que le Hamas bombarde à l'aide de missiles, certes artisanaux, le sud du pays. C'est à chaque fois le même scénario d'attaques, de trêves, et à nouveau d'attaques. Le Hamas n'a jamais renoncé à son projet avoué de détruire l'Etat d'Israël, et donc, dans le cas précis, on peut dire qu'Israël a eu pendant huit ans une politique de retenue envers le mouvement intégriste palestinien.

Aujourd'hui, même s'il y a derrière cette opération des considérations électorales qu'il ne faut pas cacher – on est à un mois des élections –, il s'agit de faire cesser des tirs qui se sont intensifiés depuis la prise du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza en 2007.

Rof : L'information sur le conflit est-elle objective en Israël ? Les médias font-ils un travail critique ou s'alignent-ils le plus souvent sur les positions du pouvoir ?

Depuis maintenant près de 35 ans, depuis la guerre du Kippour, la presse et les médias israéliens comptent parmi les plus critiques, en particulier quand il s'agit d'initiatives militaires. Dans la presse et les médias israéliens, on est loin d'une forme de patriotisme béat tel qu'on a pu le constater par exemple au lendemain du 11-Septembre dans les médias américains. Il faut savoir que les médias israéliens aujourd'hui sont extrêmement libres. Il y a des journaux, comme le Haaretz, un journal libéral, qui publie des éditoriaux très critiques envers le pouvoir.

Il faut aussi savoir qu'en Israël il y a eu un précédent, il y a deux ans et demi, avec la "seconde guerre du Liban". De l'avis général, les médias avaient à l'époque fourni trop d'informations, ce qui avait entravé la marche de l'opération militaire au Sud-Liban. Aujourd'hui, comme conséquence de cette liberté à outrance qui avait été accordée aux médias, la presse israélienne est moins présente sur le terrain. Il n'y a pas de journaliste israélien qui accompagne les forces israéliennes dans la bande de Gaza.

La tendance clairement affichée est de limiter le flux d'informations en provenance de la zone des combats, afin d'abord de préserver les objectifs de l'opération sur le plan militaire, et aussi de ne pas permettre à la population civile de passer à la loupe chacun des combats. Et j'ai le sentiment que dans l'opinion publique, c'est très bien accepté, car on avait le sentiment qu'une ligne rouge avait été franchie il y a deux ans et demi.

Al : Mais comment réagit l'Israélien de la rue, quels sont les commentaires sur les marchés, dans les cafés ? Il approuve, ils s'interroge, ils s'inquiète... ?

Bien entendu, la société israélienne est une société démocratique, avec une large palette d'opinions. Mais on sent très nettement depuis le début de l'opération une forme d'union nationale au sein de la population. On a mis de côté à 100 % la campagne électorale, qui donnait lieu à de profonds débats idéologiques, pour rester unis autour de l'action de l'armée. Le sentiment dominant dans la population, c'est donc un soutien massif à Tsahal.

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