L’Autriche s’inquiète de ses imams


Christophe Danvers - Libération


Plus d’un cinquième des enseignants autrichiens en religion islamique n’adhèrent pas à la démocratie et 18 % d’entre eux approuveraient la mise à mort d’un musulman apostat : les résultats de l’enquête menée par le sociologue Mouhanad Khorchide, 37 ans, de confession musulmane, ont déclenché un tollé, aussi bien dans l’opinion qu’au sein de la classe politique autrichienne.

Plus d’un cinquième des enseignants autrichiens en religion islamique n’adhèrent pas à la démocratie et 18 % d’entre eux approuveraient la mise à mort d’un musulman apostat : les résultats de l’enquête menée par le sociologue Mouhanad Khorchide, 37 ans, de confession musulmane, ont déclenché un tollé, aussi bien dans l’opinion qu’au sein de la classe politique autrichienne.

Mouhanad Khorchide, qui a lui-même enseigné la religion, tente depuis, en vain, de calmer la polémique, regrettant que la presse se soit uniquement concentrée sur les aspects les plus négatifs. Il souligne que plus des trois-quarts des enseignants se sentent membres à part entière de la société autrichienne, ou encore que seules 14 % des personnes interrogées estiment que les musulmans devraient rester entre eux afin de ne pas perdre leur identité. Mais l’auteur a du mal à se faire entendre et voit même le sérieux de sa recherche contesté.

« Bête féroce ». Autre victime, le ministère de l’Education, mis en cause pour son laxisme quant au recrutement et à la formation des enseignants : un tiers d’entre eux ne se sentent pas à la hauteur pour exercer leurs fonctions correctement, parce que sous-qualifiés ou ne maîtrisant pas assez l’allemand. Pire : parmi le personnel enseignant se trouvent certains éléments jugés extrémistes tels que Amir Zaidan, interdit d’enseignement en Allemagne, et qui dirige pourtant la formation continue des enseignants d’islam, ou encore l’imam Adnan Ibrahim, qui a récemment comparé Israël à « une bête féroce » lors d’un de ses prêches.

Afin de couper court aux critiques, notamment de l’extrême droite, très présente sur la scène politique autrichienne, la ministre socialiste de l’Education, Claudia Schmied, tâche de se montrer ferme. Ainsi, un enseignant en religion islamique accusé d’avoir distribué des tracts à ses élèves les invitant à boycotter des entreprises juives, a été suspendu, avant de finalement démissionner. L’incident datait de la mi-janvier et n’avait d’abord entraîné aucune sanction disciplinaire, le ministère se déclarant dans un premier temps incompétent. Les enseignants en religion sont certes rémunérés par l’État autrichien, mais recrutés et formés par leur communauté religieuse respective, jusqu’à présent seule garante de la qualité de l’enseignement prodigué.

Le gouvernement de grande coalition, réunissant sociaux-démocrates et conservateurs, a ainsi décidé d’imposer un test obligatoire en langue allemande pour tous les enseignants en religion islamique ainsi que la possession d’un diplôme universitaire européen. En outre, le contrat de travail de ces enseignants va spécifier qu’ils doivent promouvoir les valeurs de la démocratie et de la Constitution autrichienne.

Malaise. L’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles publiques autrichiennes depuis 1982. Chaque élève suit des cours correspondants à sa confession, et des cours d’éthique sont proposés aux non croyants. Même si des voix se font entendre pour la suppression de cette matière, les événements de ces dernières semaines ne devraient pas remettre en question un enseignement défendu bec et ongles par le parti conservateur (ÖVP), et auquel, pour l’heure, même les socialistes ne souhaitent pas s’attaquer. Reste que le débat égratigne un peu plus l’image des musulmans en Autriche. Si l’islam est religion reconnue depuis une loi de 1874, elle reste souvent perçue comme une menace pour les valeurs occidentales. L’Autriche demeure ainsi farouchement opposée à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. En outre, un tiers des Autrichiens a voté pour l’extrême droite lors des élections législatives en septembre. L’enquête semble d’ailleurs confirmer ce malaise : près de la moitié des enseignants en religion islamique juge les Autrichiens xénophobes.

NDLR Islam . Un professeur en religion islamique sur cinq ne serait pas convaincu par la démocratie.
Lire l’article sur : http://www.liberation.fr/

0 commentaires: