Iran : La (mauvaise) piste d’une rupture syrienne





Pour faire fléchir Téhéran, Washington a demandé à l’Arabie Saoudite de lancer une invitation à la réconciliation interarabe à la Syrie, allié-clef des mollahs sans lequel ils seraient privés de liens terrestres avec leur principal allié, le Hezbollah.


Une entente avec les mollahs est indispensable pour Américains : cette entente issue de la doctrine Brzezinski permettrait aux Américains qui contrôlent déjà le Golfe Persique de mettre la main sur l’Iran et aussi d’avoir via ce pays un couloir d’accès exclusif et sécurisé vers l’Asie centrale. Ils prendront ainsi le contrôle des principaux fournisseurs de pétrole de la Chine mais aussi de leurs autres alliés, mais néanmoins adversaires économiques.

Les mollahs restent convaincus que l’Iran est un élément clef de la future diplomatie américaine en Asie, et pour monnayer cette clef d’or, ils fuient le dialogue pour faire grimper les enchères : obtenir en échange de leur alignement sur les Etats-Unis, des compensations équitables pour le Hamas ou le Hezbollah.

Pour casser ce refus de dialogue qui est une tactique imparable, Washington a voulu coincer les mollahs à une table de négociations au prétexte d’une conférence sur la stabilité de l’Afghanistan. Téhéran a refusé de répondre et Washington a perdu une semaine à tenter une médiation turque qui a échoué. Après cet échec turc, c’est le tour de l’offensive Arabe !

Syrie | Washington, toujours obsédé par une entente rapide, oublie l’angle de la réconciliation pour s’attaquer à l’assise de la puissance régionale des mollahs, l’axe Téhéran-Damas qui permet aux mollahs d’avoir un couloir d’accès sécurisé vers le Hezbollah. Sur une recommandation américaine, au nom de la solidarité inter-arabes, l’Arabie Saoudite s’est approchée de la Syrie et invité Assad à Ryad, au mépris du rôle joué par le président syrien dans l’assassinat de Rafiq Hariri.

Cette nouvelle piste de l’administration Obama oublie les réalités du terrain. La Syrie a déjà été approchée en ce sens en 2008 par la précédente administration : il y a eu des heurts avec Téhéran, mais cela n’a pas perturbé la liaison terrestre entre Téhéran et le Hezbollah, mais cela a donné aux Syriens l’envie de lancer d’une OPA sur le Hezbollah.

Cette envie est compréhensible : comme le régime des mollahs, le pouvoir syrien pourrait exploser s’il s’ouvrait aux Etats-Unis, car les Américains soutiennent depuis longtemps les frères musulmans syriens en vue de promouvoir une république pro-américaine respectueuse de l’Islam sur le modèle irakien ou afghan en Syrie. Assad junior ne veut pas rentrer dans le rang avant de disparaître, mais manœuvrer habilement pour se renforcer. Il souhaite également restaurer le leadership régional de son père et le contrôle du Hamas et du Hezbollah le lui permet. Il peut aussi compter sur les Russes qui espèrent revenir dans cette région où ils avaient plusieurs alliés dont l’Egypte.

D’ailleurs Assad ne cache pas ses ambitions ; dans une interview au quotidien japonais Asahi Shimbun, il a déclaré qu’il « pourrait mener des négociations directes avec Israël, si les États-Unis jouaient le rôle de médiateur et l’on appliquait les principales parties régionales dans la recherche de la paix », à savoir le Hamas et le Hezbollah (qu’il a nommés).

Si la nouvelle administration américaine pressée par une entente rapide avec Téhéran se lance précipitamment dans une simulation d’approchement des Saoudiens et les Syriens, elle risque de financer avec les capitaux saoudiens l’émancipation syrienne de l’axe Téhéran-Damas, et l’émergence d’un axe Damas-Moscou qui pourrait également intéresser d’autres alliés arabes des Etats-Unis qui ont le problème du soutien américain à leurs islamistes locaux. Ceci affaiblirait les mollahs, mais les rendrait aussi très malléables vis-à-vis des Russes.

L’entente irano-américaine telle que l’envisage la doctrine Brzezinski est impossible à réaliser, mais en cherchant par des moyens tordus à la réaliser, elle provoque des désordres imprévus : le premier d’entre eux est la montée de la cote de la Syrie, qui peut d’ores et déjà se placer comme un interlocuteur majeur des Etats-Unis de la région, ce qu’elle n’était pas censé être. Les Américains voulaient éliminer les mollahs, ils se retrouvent avec un autre adversaire, qui grâce à l’attention qu’ils lui accordent peut revendiquer le rôle de protecteur des milices actuellement affiliées aux mollahs, milices opposées à la Pax Americana.

Finalement, le plus grave ne sont pas ces dégâts résultant de manœuvres malhabiles, mais le fait que sous le verni du nouveau, il s’agit encore d’une doctrine vieille de 35 ans, qui a essayé tous les plans tordus sans jamais réussir.


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