Manifestation des Loups gris Place Bellecour
Après les contre-sens des autorités françaises et allemandes, à Lyon et à Berlin, en faveur de la horde extrémiste des Loups Gris....
Pourquoi diable la préfecture du département (français) du Rhône a-t-elle autorisé, ce 18 mars, une manifestation de turco-nazis venus en cars d'Allemagne contre un projet de mémorial du génocide arménien ? Le rassemblement des Loups Gris démarrait à 14 heures place Bellecour, au moment où le cortège anti-CPE s'achevait. De la sorte, il s'est déroulé, aux pieds de la statue équestre de Louis XIV, à la fois sous la protection des CRS de l'État français et sous les huées des anti-CPE. Spontanément, dès qu'ils ont aperçu les premières pancartes turco-nazies, les manifestants de gauche se sont ralliés aux Arméniens venus protester.
« Il n'y a jamais eu de génocide arménien », avaient osé inscrire sur leurs pancartes les turco-nazis. « Négationnistes ! Nous sommes tous des Arméniens ! », répliquaient les contre-manifestants.
Mais au fond, est-ce bien la principale question ?
Au plan des principes, et ce n'est pas une incidente, on doit rappeler que l’étude de l’histoire devrait être entièrement libre. Ce ne devrait être ni aux Tribunaux, ni aux règlements ni même à la loi de prétendre fixer la vérité historique.
Ceci doit être rappelé, et plus particulièrement encore même lorsque nous serions tentés d’applaudir à des lois récentes qu'il s'agisse de celle qui en France « reconnaît le génocide arménien », loi votée sous le gouvernement Jospin, ou de celle qui prétendit introduire l’obligation « d’enseigner les aspects positifs de la colonisation ». Cette dernière, bien que votée par la majorité actuelle, a été, comme sa devancière, désavouée par Chirac.
On conçoit, certes, la nécessité de faire comprendre, aux jeunes Français comme aux enfants issus de l’immigration, non seulement les « aspects positifs » mais également les pages glorieuses de l’œuvre française en Afrique ou en Extrême orient.
En rendre l’enseignement réglementairement obligatoire se révèle cependant aussi absurde, et probablement contre-productif, que de mettre aux voix l’existence de Dieu.
Il en va sans doute de même, quoique cet événement n'appartienne pas à l'Histoire de France, s’agissant du massacre des Arméniens en 1915, largement organisé par le gouvernement Jeune-Turc, dont on est aujourd’hui arrivé à conclure qu’il s’agissait bien d’un génocide (1).
L’atrocité du traitement des Arméniens, programmée par le fameux Talaat, n’a pas à être comparée à telle ou telle autre : elle n'est guère discutable – pour ce que j’en connais.
Néanmoins, ceux des historiens, des polémistes ou des propagandistes turcophiles qui, croyant rendre service à la vérité, complaire à la Turquie ou contribuer aux relations euroturques, désirent contester les chiffres, entendent ergoter sur les intentions voire même s'efforcent de nier les faits relatés par le diplomate américain Morgenthau ou par le grand humaniste norvégien Nansen, devraient pouvoir le faire librement, en France comme dans toute l’Union européenne.
Toute liberté, celle-ci en particulier, a d’ailleurs quelque chose d’un cadeau empoisonné. On serait à ce titre tenté de leur suggérer de bien réfléchir au mal qu’ils font à la cause qu’ils croient défendre. Ainsi en acceptant, par exemple, d’identifier le gouvernement actuel d’Ankara à l’État impérial des jeunes-turcs, ils ne contribuent guère à son image positive. Libre à eux.
Il demeure donc préoccupant qu’un tribunal allemand, la 1re Chambre du Tribunal administratif d'appel du Land de Berlin ait cru devoir rendre un arrêt (2) considérant que « dire que le génocide commis en 1915 contre les Arméniens est un mensonge constitue une infraction punissable relevant des dispositions de l’article 189 du Code Pénal. »
L’espèce est intéressante.
Il s’agissait, en effet, comme à Lyon, d’un hommage que le mouvement turco-nazi des Loups Gris projetait de rendre le 18 mars à Berlin à l’ancien vizir Talaat. Celui-ci, rappelons-le, était à l’époque des faits, l’allié de l’Empire allemand en guerre contre la France, la Grande Bretagne et la Russie. Au bout du compte, la manifestation a finalement eu lieu mais la jurisprudence allemande a simplement eu pour effet d'en interdire le contenu « négationniste ».
Double contresens : l'intolérable c'est la manifestation de force, la provocation turco-nazie ; au contraire l'expression d'une thèse historique quelconque ne devrait pas tomber sous le coup du Code pénal.
Le jugement de Berlin a donc, de ce point de vue, rendu, plus encore que la préfecture du Rhône, doublement service aux Loups Gris.
Ceux-ci constituent en France comme en Allemagne un mouvement étranger. Il pourrait à tout moment faire l’objet d’une interdiction parfaitement légitime.
Or, non seulement on ne réprime pas leurs activités, mais on les laisse défiler dans la rue. En les laissant manifester à Berlin, on leur permet d'apparaître comme de « respectables » amis traditionnels de l’Allemagne, amis dont on a aidé à repeindre la façade en effaçant soigneusement jusqu’à l’ombre de la Croix gammée.
On pourrait remarquer, certes, que les organisations arméniennes crient victoire pour la partie du jugement interdisant le négationnisme. Et cela pourrait inciter à une certaine satisfaction. Il faut reconnaître en effet qu’à défaut de subtilité, ces organisations ont le mérite du courage et de l’acharnement. Elles veulent interdire la propagande turque : mais le résultat est seulement qu'elles parviennent à la contenir dans les limites du tolérable. Et, je le dis comme je le pense, ces limites, apparentes et hypocrites, rendent probablement plus service à la Turquie qu’elles ne donnent une (petite) satisfaction symbolique aux descendants de ses victimes.
Le cas des Loups Gris est en effet un cas d’école.
C’est d’abord un mouvement d’affiliation authentiquement, indiscutablement, nazie. Jusqu’aux années 1980, ils pouvaient donner le change. Leur « pantouranisme » paraissait plus particulièrement dirigé contre l’Union soviétique, en faveur de la liberté des républiques musulmanes (3). C’était l’époque où Mme Hélène Carrère d’Encausse défendait la thèse ambiguë de « l’Empire éclaté ». Thèse qui s’est révélée totalement fausse.
À partir de la guerre d’Afghanistan, les fameux Loups Gris, c’est-à-dire le parti MHP du colonel Alparslan Türkes ont développé, à leur manière une « solidarité musulmane » active (4). Les Loups Gris ont su faire preuve également d'une haute technologie mafieuse qui les fait retrouver au cœur de tous les trafics, impliqués dans les affaires de corruption les plus glauques de la vie politique turque (5). Jusqu’alors on les soupçonnait « simplement » de financer leurs activités grâce à l’argent de la drogue. Aujourd’hui on sait qu’ils ont toujours été, sur ce terrain comme sur d’autres, les exécuteurs des basses œuvres des services secrets et des réseaux de pouvoir militaires turcs. Ils jouent ce rôle ouvertement par exemple à Chypre, depuis 1974. Ils l'ont joué au Liban, en 1982, au moment de l'arrivée des Israéliens à Beyrouth (6). Leurs réseaux sont très actifs dans les Balkans, toujours en liaison avec les minorités musulmanes et certaines confréries quasi mafieuses. Une très grande opportunité pour ces forces de l'ombre correspond au retour au pouvoir de Sali Berisha à Tirana en juillet 2005 (7). Cela a accéléré la transformation de l’Albanie en plate-forme mondiale de l’héroïne qui passe à 80 % par ce pays. Tout compte fait, leur opération la moins réussie aura été la tentative d’assassinat de Jean-Paul II le 13 mai 1981 par un de leurs hommes de main, Ali Agca (8).
On peut donc se demander pourquoi l’Europe ménage une telle organisation en lui demandant seulement de tenir des propos respectables – sachant qu’à cet exercice les Turcs ont toujours excellé – un Turc c’est (presque) toujours très poli.
En France, le pouvoir chiraquien est tétanisé par la présence sur notre sol d’une minorité d’origine musulmane évaluée à 9 % de la population et 16 % des naissances (9). Cette attitude est absurde et suicidaire : à ces « musulmans d’origine » (10), la seule proposition honnête serait de leur assurer le libre choix entre l’assimilation et le rapatriement.
Mais, paralysé par des contingences mal définies, le pouvoir chiraquien, ne veut surtout pas indisposer les pays du tiers-monde, exportateur de ces populations.
Pas touche par conséquent aux respectables héritiers des Jeunes-Turcs, qu’aimaient tant autrefois les radicaux-socialistes, et pas touche aux admirateurs totalitaires du kémalisme.
Pas touche aux Loups Gris : il leur suffit de se proclamer agneaux.
La république française, bonne fille, tolérante et sensuelle, fermera les yeux.
Quand donc les ouvrira-t-on ?
Quand ils entreront, pour de bon, dans Paris ?
JG Malliarakis
©L'Insolent
(*) En souvenir d'une très belle chanson interpétée par Serge Reggiani... [paroles: Albert Vidalie musique: Louis Bessières...]
(1) Ce terme est apparu au lendemain de la Seconde guerre mondiale pour désigner ce qu’on appelle aujourd'hui la Shoah.
(2) Dossier OVG1ZZ26.06
(3) Incorporées de force à l’URSS dans les années 1920
(4) ce qui peut sembler a priori étrange pour un mouvement officiellement « laïc » et kémaliste. Mais on dit tant de sottises sur l'Islam et le kémalisme.
(5) L'affaire la plus spectaculaire fut l'accident de voiture survenu le 3 novembre 1996, à Susurluk, à quelque 150 kilomètres au sud-ouest d’Istanbul. De l’épave de la même grosse Mercedes on a dégagé ce jour-là les corps de Huseyin Kocadag, un haut responsable de la police turque qui commandait des unités antiguérilla, d'Abdullah Catli, un dirigeant des Loups Gris également recherché pour trafic de drogue et meurtre, et celui de sa compagne, Gonca Us, une ancienne reine de beauté devenue femme à tout faire de la Mafia. Le quatrième passager a survécu : Sedat Bucak, qui était le chef d'une milice kurde financée par le gouvernement d'Ankara pour lutter contre la guérilla du PKK. 10 ans plus tard la réalité de cette collusion évidente n'est toujours pas élucidée malgré les changements politiques apparents qui se sont produits en Turquie.
(6) Sur l'échiquier complexe du Proche Orient, les relations turco-israéliennes ont toujours revêtu un côté paradoxal, sinusoïdal et explosif. En 1956, la Turquie rappelle son ambassadeur de Tel Aviv au moment de la crise de Suez. En 1975, la Turquie vote la fameuse résolution onusienne, aujourd'hui abrogée, assimilant le sionisme au racisme et au colonialisme. Au Liban en 1982 l'armée turque refusera de participer officiellement à l'offensive israélienne : elle confiera officieusement aux Loups Gris le soin de liquider sur place les bases de l'Asala.
(7) Cet ancien chirurgien au regard de tueur avait été chassé du pouvoir en 1997 par des émeutes populaires occasionnées par l'incroyable scandale financier des « pyramides ».
(8) 25 ans plus tard cependant, on fait mine de croire encore à une « piste bulgare » menant dans cette affaire au KGB : à supposer que telle soit la vérité, il serait intéressant de s'expliquer alors les liens entre les Loups Gris turco-nazis, et l'ancien empire soviétique. Les Loups Gris avaient d'excellentes raisons « nationales turques » de vouloir frapper le Pape le jour même où il s'apprêtait à annoncer sa volonté de réconciliation avec les orthodoxes. Cette volonté sera théorisée plus tard dans sa Lettre encyclique Slavorum Apostoli (2 juin 1985) dans sa Lettre apostolique Orientale lumen (2 mai 1995) et surtout dans l'Encyclique Ut Unum Sint (25 mai 1995). Elle dérange, à l'évidence, beaucoup plus le nationalisme turc que les héritiers du KGB.
(9) cf. Étude de Polemia de mars 2006.
(10) Dans ce concept communautariste douteux on comptabilise et on englobe de force, par exemple, les Français, et les Françaises, d'origine kabyle.
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