Scénario surréaliste ?



Par OLIVIER RAFOWICZ

5 juillet 2009, onze heures du matin. Les télévisions du monde condamnent Israël. L'Etat juif vient de lancer une opération militaire sur l'Iran. On lui reproche d'avoir enfreint tous les droits et bafoué toute morale en s'attaquant à un pays souverain qui ne lui avait pas déclaré la guerre.

Depuis son offensive menée à Gaza, l'Etat hébreu n'a cessé de voir son image se ternir. Cette atmosphère plus que préoccupante entraîne dans son sillage une nouvelle vague d'antisémitisme et de déligitimation de l'Etat juif. Elle s'exprime dans la presse mondiale, ou par la voix d'artistes et pamphlétaires de tous bords qui ne cessent de mélanger les mauvais genres.

Ce soir, le Vatican est hors de lui, Israël a osé frapper l'Iran. Une multitude d'ONG clament haut et fort que l'aviation israélienne a bombardé des villes et des sites civils, créant un début de chaos humanitaire dans les villes de Bushehr, Téhéran et Ispahan. Des images des raids montrent des milliers de réfugiés, surtout des femmes et des enfants, en pleurs, se demandant pourquoi ils doivent fuir sur les routes iraniennes.

Sur les grandes chaînes de télévision occidentales, on s'interroge sur le bien-fondé de l'attaque israélienne sur l'Iran. Commentateurs chevronnés, analystes militaires et politiques se relaient sur les plateaux afin d'expliquer et comprendre les objectifs de l'action militaire israélienne avant d'en déduire les conséquences géopolitiques.

Du nucléaire pour du pétrole

Les chaînes d'information arabophones se déchaînent. Les Juifs envisageraient de détruire la chiaa (chiisme), l'aviation israélienne aurait d'ailleurs pour objectif de raser la ville sainte de Qods et peut être même de bombarder la Mecque. En l'espace de quelques heures, l'Iran symbolise le monde musulman tout entier à qui l'on interdit le droit de vivre et d'exister.

De par le monde, des centaines de milliers de musulmans et de pacifistes manifestent devant les ambassades israéliennes. Les cortèges anti-israéliens se font de plus en plus nombreux dans les rues de Londres, Paris, Stockholm, Berlin. Des portraits à l'effigie d'Ahmadinedjad, Nasrallah, Ismail Hanyeh ou l'évêque Williamson sont arborés.

Les ayatollahs, en particulier Ali Khamenei et Ali Rafsandjani, apparaissent devant les caméras des agences de presse et se présentent comme les victimes de l'ordre sioniste mondial et de son allié américain. Comment est-il possible, d'ailleurs, que des avions de chasse israéliens, 200 de type F-22, F-15 et F-16, tous de fabrication américaine, soient impliqués dans la mort de centaines de civils iraniens. "L'Iran, qui aspire à la paix et à un islam juste et pacificateur, ne mérite pas un tel châtiment", entend-on.

Aux questions des journalistes sur la politique nucléaire iranienne et sa volonté exprimée dans le passé de rayer Israël de la carte, Ali Khamenei répond : "L'Iran n'a jamais voulu employer l'arme nucléaire contre qui que ce soit, mais voulait montrer au monde entier qu'une nation chiite qui croit en Allah, qui veut promouvoir un Djihad positif pour les peuples et libérer la Palestine, a le droit à l'arme suprême." Il poursuit : "Un chef suprême doit détenir l'arme suprême. C'est ce que Khomeiny nous avait déjà enseigné à l'époque, à Nofle-le-château."

La Russie a placé ses troupes en état d'alerte et exige un arrêt immédiat de l'action israélienne qui n'a toujours pas été commentée du côté de Jérusalem. De source militaire proche des Gardiens de la révolution, deux tiers des installations nucléaires du régime auraient été détruits ou mis hors d'état de fonctionnement. Un nuage radioactif se propagerait même d'un réacteur fissuré, près de la ville d'Ispahan. L'Iran accuse Israël d'avoir produit une catastrophe nucléaire, menaçant directement des millions d'habitants. Selon le président Mahmoud Ahmadinedjad, tout juste réélu, son pays a été attaqué injustement par l'entité sioniste "illégale" et "le monde entier doit désormais s'unir pour détruire la raison du mal et des guerres dans cet univers".

Toutes les télévisions occidentales évoquent une action disproportionnée menée à l'encontre de l'Iran et parlent désormais d'un risqué de conflit à l'échelle planétaire. Israël est mis au banc des accusés. Les dirigeants occidentaux se réunissent en urgence pour mettre sur pied un plan d'aide à l'Iran, intitulé "Du nucléaire pour du pétrole". Selon ce programme, l'Iran aurait le droit d'obtenir la capacité nucléaire sous contrôle de l'OTAN et de la Russie, en échange d'une exportation d'or noir continue vers l'Ouest.
Au même moment, les roquettes du Hamas et du Hezbollah, et plusieurs fusées iraniennes, frappent les grandes métropoles de l'Etat hébreu. Mais les caméras sont inlassablement tournées vers Téhéran ou Bushehr et omettent de relater les centaines de victimes civiles israéliennes.
L'évêque Williamson est le premier à dénoncer le "génocide iranien". Pour lui, non seulement les Juifs n'ont pas connu la Shoah, mais au contraire, ce sont eux qui la mettent à exécution contre tout un peuple et une nation respectueuse.

Quelques prises de position courageuses des amis d'Israël se font entendre, qui, chiffres à l'appui, expliquent que Jérusalem a décidé cette opération contre l'Iran au moment opportun, avant d'être anéantie par une frappe nucléaire. Mais pour la communauté internationale, il fallait continuer à discuter. C'est la diplomatie qui doit rester la règle, pas la force. Des organisations des droits de l'Homme appellent à un embargo total de l'Etat hébreu et à ce que les dirigeants israéliens soient jugés.

Invraissemblable et pourtant tellement réel

Benoît XVI tend la main au président iranien et lui exprime son soutien dans cette épreuve terrible à laquelle il fait face. "Le monde n'oubliera jamais la tragédie de Téhéran", lui dit-il.
Un tel scénario relève davantage de la fiction noire que de la réalité rationnelle. Mais que cherche réellement à obtenir le président iranien ? A force de menacer Israël de destruction, d'aller à l'encontre de la communauté internationale, ne met-il pas en place lui-même les conditions d'une frappe militaire préventive contre son pays ?

Quelque part, ceci ne ressemble-t-il pas aux années de bombardements intensifs du Hamas sur la région sud d'Israël ? A force de frapper Israël et de le mettre au défi, Tsahal a réagi le 27 décembre 2008. Contre toute attente, le Hamas, surpris par l'ampleur de la réaction, n'a pas assumé sa responsabilité dans ce conflit. Pire même, il n'a eu ni le courage politique, ni la volonté militaire de combattre. Le mouvement islamiste a préféré fuir et se placer en victime totale face à un Israël redevenu l'agresseur parfait.

Les Iraniens cherchent leconflit avec Israël mais seront-ils en mesure de l'assumer réellement ?
Il semble que dans ce Moyen-Orient de plus en plus instable et dangereux, ceux qui veulent la guerre la mènent par l'intermédiaire de leurs propres femmes et enfants, sacrifiant leur population et leurs infrastructures, en endossant le rôle des victimes éternelles qui n'ont, ni les moyens, ni les capacités, de se défendre. Par conséquent, il n'est pas impossible, comme dans le scénario imaginaire précédemment décrit, que l'Iran aille jusqu'au bout de sa politique irrationnelle de production et peut-être même d'utilisation de la bombe, mais pour autant, soit incapable d'assumer une réaction militaire, israélienne ou internationale.

Il y a néanmoins un trio de certitudes dans un tel schéma. D'abord, une réaction israélienne sera disproportionnée ou jugée telle qu'elle par la presse internationale. Ensuite, dans tous les cas de figure, Israël sera de nouveau dénoncé avec vigueur, tel un Etat voyou. Enfin, Mahmoud Ahmadinedjad et son régime seront perçus comme inoffensifs et faibles, qui méritent toute la compassion de la communauté internationale et un vaste programme de soutien pour le renforcer et le légitimer.

Parfois, il me semble judicieux de prêter attention aux scénarios les plus invraisemblables pour cerner les vrais enjeux et éviter le pire.

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