Rama Yade, la diva des sondages, ferait mieux de regarder Thalassa que se faire enfumer par Jean Daniel dans un débat sur un éventuel boycott de la Conférence de l’ONU sur le racisme, dite Durban 2, prévue pour la fin de ce mois d’avril à Genève. Elle aurait pu voir1, comment, dans son pays d’origine, le Sénégal, on traite des enfants confiés à des écoles coraniques où on les contraint à ânonner le Coran à coup de chicotte le matin, et l’après-midi à faire la manche pour rapporter 500 francs CFA, le minimum qui leur évitera la raclée de l’imam.
On n’a pas, jusqu’à ce jour, entendu le Sénégalais Doudou Diène, porteur du titre ronflant de “rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance”, clouer au pilori ces pratiques infâmes. Ce maître d’œuvre du discours onusien sur le racisme préfère stigmatiser l’idéologie laïque à la française, pétrie de colonialisme et de xénophobie, qui prive les jeunes musulmanes du droit de se soumettre à l’obligation du port du hijab dans les enceintes scolaires. Poussée dans ses retranchements par un Jean Daniel plus sentencieux que jamais, la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme a fini par concéder, lors d’un débat à Rennes, qu’elle était favorable à ce que la France participe à la Conférence Durban 2 pour, dit-elle “combattre au nom de nos valeurs”. Ben voyons ! Comme si notre brillante ministre ne savait pas que dans ce genre de raout, tout est vissé d’avance, les communiqués, résolutions et autres textes déclamatoires étant négociés à la virgule près et adoptés avant même que les excellences ne mettent les pieds dans la salle des conférences.
Dans sa dernière version qui doit beaucoup à la patte du représentant russe à Genève, le texte de Durban 2 est le résultat d’un compromis qui peut se résumer au marchandage suivant : les dictatures du tiers-monde arrêtent de diaboliser Israël comme ce fut le cas en 2001 à Durban, et les démocraties occidentales ne viennent pas leur chercher la petite bête sur le sort réservé dans ces pays, aux femmes, aux homosexuels et aux minorités ethniques et religieuses. Mais même édulcoré et nettoyé de ses formulations les plus provocatrices, le texte2 préparé par le secrétariat de la Conférence, présidé par la Libye et vice-présidé par le Pakistan et Cuba – plus respectueux des droits de l’homme tu meurs ! – n’a pas convaincu la Canada, Israël, l’Allemagne et l’Italie de participer à cette conférence. Les Etats-Unis d’Obama ont brièvement tenté un retour dans les réunions préparatoires au début février. Dix jours plus tard, ils pliaient bagages en constatant que les concessions des organisateurs étaient de pure forme, et qu’il était dangereux, en conséquence, de se laisser piéger dans ce traquenard genevois.
Mais le duo Rama Yade-Jean Daniel est sans doute plus à même que les gnomes de Washington de faire se comporter comme des gens civilisés les grands démocrates antiracistes qui gouvernent la Libye, Cuba, l’Iran ou le Venezuela. Vous savez, Mesdames et Messieurs, le racisme et la discrimination, c’est pas bien, mais en raison de cette merveilleuse alliance des civilisations qui nous rassemble dans ces lieux chargés d’histoire, on ne va pas en faire un fromage : il suffit d’une petite signature, là en bas à droite, mais qui n’engage à rien ou à pas grand chose. C’est non ?… Bon c’est dommage, mais on ne va pas se fâcher pour si peu. À plus, au prochain sommet de l’Union pour la Méditerranée sans doute…
Voilà à peu près l’effet que l’on peut attendre de l’attitude « combative » revendiquée par Rama Yade, puisque, par avance, on a déjà lâché sur les questions intéressant les féministes et associations de défense des homosexuels ainsi que sur “l’incitation à la haine des religions”, nouvelle formule remplaçant la condamnation, par la Conférence, de la diffamation des religions qui visait clairement les caricatures de Mahomet.
Les partisans de la participation à la Conférence établissent un parallèle entre cette dernière et la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) des années 1970, qui avait été le cadre du dialogue entre les démocraties occidentales et le bloc communiste. Son texte majeur, l’Acte final d’Helsinki de 1975, comprenait un engagement de toutes les parties à respecter, à l’intérieur de leurs frontières, des principes compatibles avec les droits de l’homme fondamentaux. Leonid Brejnev signa sans broncher, mais rien ne changea vraiment en URSS et dans les pays satellites, sinon que les maigres bataillons des dissidents purent s’appuyer sur un texte signé par leurs dirigeants pour faire valoir leurs droits, la plupart du temps sans succès. Contrairement à ce que veulent nous faire croire ces diplomates qui prennent un plaisir intense à souper régulièrement avec le diable, ce n’est pas la CSCE et l’Acte final d’Helsinki qui ont mis à bas le communisme, mais le combat sans concession que Ronald Reagan a réussi à imposer contre “l’Empire du Mal” par le grand bluff de la “guerre des étoiles”. Mais même à Helsinki, les adversaires des démocraties n’étaient pas les maîtres de l’ordre du jour. C’était du donnant-donnant: nous acceptons de libéraliser les échanges commerciaux avec l’Est, si vous acceptez la corbeille “droits de l’homme” dans le deal final.
Certains espéraient que la substitution d’un Conseil des droits de l’homme à la Commission des droits de l’homme de l’ONU allait mettre un terme aux dérives de cette dernière, qui était devenue le forum où les dictatures obscurantistes mettaient systématiquement les démocraties en accusation, et un tribunal destiné à condamner Israël tandis que des tyrans sanguinaires se donnaient mutuellement l’absolution.
Il n’en est rien, et le système onusien continue de produire, en ce domaine, de la rhétorique déclamatoire et des rapports biaisés confiés à des “rapporteurs spéciaux” dont l’impartialité est aussi incontestable que celle de Richard Falk, probablement chargé des territoire palestiniens parce qu’il avait qualifié Gaza de “nouvel Auschwitz”, ou celle de l’ineffable Jean Ziegler, l’obligé de Mouammar Kadhafi et de Fidel Castro. Son dernier opus, La haine de l’Occident, est une justification à peine voilée du terrorisme islamiste au nom des abominations que les pays “riches” ont commis et commettent encore dans le Tiers-monde.
On peut toujours aller prêcher la vertu dans un bordel, mais on ne doit pas s’étonner d’en revenir avec la vérole.
1. Les enfants de M’bour, un reportage de Daniel Grandclémentn, diffusé le 27 février dernier dans le magazine Thalassa, qui n’en n’a rien à cirer du politiquement correct, pourvu qu’on ne pisse pas dans la mer. ↩
2. 2.On lira une critique détaillée de ce “nouveau” texte dans une tribune de Malka Markovich publiée par Libération. ↩
http://www.causeur.fr/
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