La bonne gestion des ressources est l’une des conditions de l’indépendance de l’Etat.
Photo: KKL/JNF Archives/Paul Orlaiv , JPost
Par NATHALIE SZERMAN
Au moment du soixante et unième anniversaire de l'Etat hébreu, le problème de la sécheresse et de la raréfaction des ressources en eau se pose avec acuité : plus qu'un simple enjeu économique, la bonne gestion de ces ressources est l'une des conditions de l'indépendance de facto de l'Etat. Depuis des années, le KKL agit pour parer le coup. Cette année, il a organisé sa douzième Marche pour l'eau dans le Goush Etzion.
Initiée il y a douze ans par Moshé Cohen, alors délégué du KKL de Jérusalem en France, la Marche pour l'eau avait pour objectif de faire connaître Israël par les pieds. Pourquoi une Marche pour l'eau ? Parce que l'eau est synonyme de vie et que les fonds collectés ont servi, dès les premières années, à créer des réservoirs pour récupérerl'eau des inondations en Israël.
Très sportive à ses débuts (il fallait un certificat médical pour pouvoir y participer), la Marche est devenue, au fil des ans, plus touristique et historique. Même si elledemeure éprouvante physiquement.
Mars 2009 : la 12e Marche pour l'eau se déroule dans la région du Goush Etzion, avec 90 participants. Cette année, la dimension historique est mise en avant. L'ouverture officielle a lieu à Roglit, site de commémoration des déportés juifs de France. Arrivés dans le Goush Etzion vers 11h00, les participants empruntent ensuite le chemin des sources et la route des Patriarches jusqu'à la ville d'Efrat.
Le 3e jour, bravant le froid intense du petit matin au sommet du Hérodion, les marcheurs écoutent, immobiles, glacés et encore courbaturés par les efforts musculaires de la veille, les longues explications historiques de leur guide. Mais nul ne songe à se plaindre : ces randonneurs de milieux professionnels variés (médecins, photographes, commerciaux...), d'un bon niveau général, ont pour seules lignes de conduite de passer un moment agréable, relever sans broncher quelques défis physiques et donner à Israël.
Ainsi, lors de la visite de Sdé Bar
(3e jour), village de rééducation pour adolescents en difficulté, où ces derniers fabriquent un fromage de chèvre réputé, le groupe se mobilise spontanément pour collecter des fonds. Et nul n'hésite à acheter des morceaux de fromage pesants et parfumés aux jeunes gens qui leur font goûter le fruit de leur travail, quitte à sentir ses achats fondre sur son dos dans le courant de l'après-midi...
L'eau ou la nécessité de la solidarité interétatique
Une Marche pour l'eau en montagnes arides, où nul ne parle d'eau, mais où le cœur aime, la tête réfléchit et l'humeur est au beau fixe."Cette marche n'était pas la plus difficile sur le plan physique", rapporte Serge Cohen, fidèle de l'expédition, "mais c'était l'une de plus émouvantes : nous sommes partis sur les traces de Bar Korbah, avons parcouru des sites traversés de cours d'eau.
Nous avions le sentiment que c'était autre chose qu'un simple circuit touristique."Il est certain que la Marche pour l'eau est plus que cela : elle est, par son thème (l'eau) et son contenu (la marche), un moyen de pénétrer les consciences de la nécessité d'une souveraineté nationale à tous les niveaux : cette terre, il faut certes l'arpenter pour se l'approprier intimement. Mais il faut aussi pouvoir y survivre, et pas seulement politiquement.
En ce début de siècle, l'or bleu n'est pas la préoccupation du seul Etat d'Israël : les ressources en eau mondiales se raréfient, avec l'accroissement démographique et le réchauffement climatique. L'agriculture représente 70 % de la consommation en eau, taux qui ne cesse de croître sous la poussée démographique. On prévoit en outre qu'en 2030, près de la moitié de la population mondiale vivra dans des zones soumises au stress hydrique.
Face à la gravité de la situation, un forum mondial de l'eau a été organisé à Istanbul du 16 au 22 mars 2009 ; le plus grand événement international sur l'eau à ce jour. Les déclarations finales n'ont pas revêtu le caractère décisif attendu et des dissensions se sont manifestées quant à la politique à suivre et la définition à apporter à l'eau : faut-il en faire un droit pour tous (position des pays d'Afrique notamment) ou un besoin (position de pays disposant de ressources d'eau importantes, à l'exception notable de la France) ? Le forum a au moins eu le mérite de révéler avec acuité la nécessité de la coopération et de la solidarité entre Etats.
Coopération : un mot clé pour éviter de nouvelles catastrophes humanitaires liées aux carences en eau. Dernière en date : l'épidémie de choléra au Zimbabwe. Sans eau en quantité et de qualité suffisantes, la pauvreté, la maladie et la faim seront au rendez-vous. De l'acceptation de la nécessité de coopérer à la mise en place d'une politique adaptée, il y a toutefois un monde. Et ce bien que la politique d'un Etat ait des conséquences directes sur les Etats voisins : des pompages importants en amont diminuent l'importance des sources en aval, et la pollution d'un fleuve en un lieu donné affecte l'ensemble du cours d'eau. Une convention internationale sur les fleuves partagés qui définit les principes d'une gestion équitable a été adoptée en 1997, mais n'est pas appliquée, faute de signataires...
La Route de la Paix du KKL
Voilà douze ans maintenant que le KKL a fait de l'eau sa priorité : il ne s'agit plus seulement de planter des forêts en Israël, ni même de construire des réservoirs, mais de financer la recherche dans les domaines de l'agriculture et de l'irrigation, recherche dont les résultats pourraient bien se révéler précieux à moyen terme, pour la région comme pour l'ensemble de la planète.
Le caractère stratégique de toute politique de l'eau au Moyen-Orient n'échappe pas au KKL, qui a en outre établi la Route de la Paix. Celle-ci promet d'être un exemple de coopération entre Etats. Dans le cadre du programme de développement des régions désertiques d'Israël, une "Route de la paix" a été construite le long de la frontière israélo-jordanienne. Longue de 24 km, elle longe les falaises de la Aravah et relie les terrains agricoles des communautés vivant dans les localités de la région. Trois réserves d'eau ont été créées sur son chemin, vu que l'itinéraire traverse deux rivières qui arrivent dans la Aravah avant de se jeter dans la mer Morte.
Mais pourquoi le nom si évocateur de "Route de la paix" ? Sur la frontière doit être établi un institut d'études supérieures spécialisé dans les ressources d'eau en climats désertiques, sujet qui intéresse toute la région du Moyen-Orient. Dans cet institut où Israéliens et Jordaniens pourront préparer une maîtrise ou un doctorat, le savoir des uns servira aux autres. En favorisant la coopération entre Israël et la Jordanie pour résoudre un problème commun aux pays du Moyen-Orient, le KKL espère contribuer à la mise en pratique du Traité de paix israélo-jordanien de 1994, autrement qu'en assurant un simple maintien du calme dans la région.
Est-ce que par une politique de l'eau avisée, Israël saura asseoir son indépendance et avancer sur le chemin de la paix avec ses voisins ? Il est permis de l'espérer.
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