Gaza : Après le déluge ou l‘ Évangile selon nos medias



par Serge Mazouz

Durant les trois semaines de l‘opération Plomb durci, la presse européenne et en particulier la presse française nous ont livré un déluge d’images et de commentaires visant à relater les évènements de Gaza, mais en réalité ont mis le feu à une poudrière qui a déchaîné des torrents de haine anti-israélienne masquant à peine la haine du juif.


C’est l’information nous rétorquera t’on ? Peut-être.


Les images brutes sans mise en perspective, l’exhibition de la souffrance sans analyse des circonstances qui l‘entourent peuvent- elles être qualifiées d’information ?


Nos médias ont diffusé en boucle des scènes de destructions avec leurs lots d’immeubles rasés ou d’entrepôts calcinés puis les images des victimes, corps déchiquetés ou brûlés complaisamment exposés par les milices du Hamas. Un décompte quotidien (invérifiable) des tués a été tenus de manière quasi horlogère.


Les commentaires critiques se sont multipliés, fustigeant ce qu’on a appelé la disproportion de la réaction israélienne. Le monde de l‘information, toutes tendances confondues, s’est livré à l’un de ses sports favoris : la dénonciation d’Israël.


Les titres délibérément exagérés et racoleurs se sont multipliés : « Nouvelles manifestations en Europe contre le "massacre de Gaza" » ou encore « Gaza : des organisations portent plainte pour "crimes de guerre" devant la CPI » annonçait le Monde . Le Figaro n’était pas en reste : « "Crimes de guerre" : Israël prépare sa défense » ou « Marée humaine sous tension contre les "massacres" à Gaza »


La prétendue attaque d’une école de l’UNWRA le 6 janvier à Jabalya puis celle d’un entrepôt de vivres de l‘ONU le 15 janvier ont fait la Une des journaux télévisés avec moult reportages et interviews en direct de témoins dont la partialité et le soutient à la cause du Hamas étaient connus de tous sauf des journalistes…Je pense à ce docteur Garrigues dont les propos virulents ont été diffusés largement, sans nuance ni questionnement sur leur véracité.


Pourtant certaines informations peu répandues mais accessibles permettaient de se rendre compte que l’Évangile selon nos médias ne correspondait pas à la réalité .


La version simpliste, trop simpliste de la guerre du fort contre le faible, de l’oppresseur contre l’opprimé que l’on voulait nous servir ne tenait tout simplement pas debout.


Jour après jour des informations filtraient dans la presse française, certes de manière plutôt confidentielle mais permettaient à qui s’en donnaient la peine de se faire une opinion hors de tout manichéisme: des révélations de palestiniens, précieuses parce que rares compte tenu de la menace que fait peser le Hamas sur sa population, des témoignages venues d’ ONG ou d’organisations internationales.


Des témoignages de Palestiniens courageux


Dès le 16 janvier 2009, France Info diffusait le témoignage exclusif d’Anina, palestinienne de Gaza : «.. Hamas utilise les civils…, les gens de l ‘école sont sortis pour demander au Hamas de partir…, les gens n’ont pas le droit de dire non à Hamas… »(1).


Dans Ouest-France du 30 janvier , Radjaa Abou Dagga, journaliste palestinien , affirmait « …C'est vrai que les combattants du Hamas étaient habillés en civil. Vrai que dans un village proche de Khan Younès, ils ont demandé à des gens de retourner chez eux malgré les opérations israéliennes »….(2)


Le 21 janvier 2009 , Lorenzo Cremonesi, journaliste réputé pour son sérieux et envoyé spécial du Corriere della Sera publiait un article retentissant sur les évènements. On y lisait entre autre le témoignage de Abu Issa: « Mais ils (le hamas) voulaient que [les Israéliens] tirent sur nos maisons pour les accuser ensuite de crimes de guerre. ….Quiconque donne une version différente du "narratif" imposé par la "muhamawa" (la résistance) est automatiquement un « ami», un collaborateur, et il risque sa vie…». Mais surtout citant un médecin de l’hopital Shifa de Gaza: « il se peut que le nombre des morts ne soit pas supérieur à cinq ou six cents…. » (3)


Et puis il y eu le journal du soir de France 2 , le 4 février 2009, tel une repentance publique « .. Les témoignages que nous avons rassemblés laissent penser que le Hamas y a aussi pris une part ..en appliquant la stratégie du bouclier humain et en faisant régner la terreur parmi la population… ». Mahmoud témoigne de l’assassinat de son père et son frère parce qu’ils refusaient la présence des miliciens : « ..ils ont utilisé des hôpitaux comme quartier général.. » . Un brancardier reconnaît en direct la présence de terroristes dans les hopitaux. Tout y est y compris la preuve en direct de la manipulation des chiffres de victimes par un ministre du Hamas.


Réactions des ONG


Le 30 janvier des ONG dénonçaient la répression du Hamas : selon Samir Moussa, un avocat d’Addameer (ONG palestinienne) "il y a eu des dizaines de cas d'exactions dans l'ensemble du territoire pendant et après la guerre. Il y a eu de graves violations des droits de l'homme et des enquêtes doivent être menées". (4)


Le 10 février ,Amnesty International déclaraient que la mission d’enquête envoyée par son Secrétariat international avait accumulé les preuves et les témoignages d’enlèvements, d’homicides délibérés et illégaux, d’actes de torture et de menaces de mort contre les Palestiniens accusés de « collaborer » avec Israël et contre les opposants au Hamas (5)


Réactions des organisation internationales


Le 26 janvier ,le commissaire européen au Développement, Louis Michel, lançait à Gaza une virulente attaque contre le Hamas lui imputant une "responsabilité écrasante" dans la guerre et excluant tout dialogue avec un mouvement qualifié de "terroriste". (6)


John Holmes envoyé spécial de l’ONU pour les réfugiés déclaraient à Reuters le 27 janvier 2009 :''L'utilisation cynique et imprudente d'installations civiles par le Hamas et le tir de roquettes contre des populations civiles sont clairement des violations du droit humanitaire internationale »


Le 28 janvier 2009 ,c’est la publication du rapport Lindsay ancien responsable de l’UNWRA de 2000 à 2007 sur l’utilisation des fonds alloués à l’Agence. L'auteur conclut notamment, sur la base de ses recherches et de son expérience, que :« l'UNRWA ne prend pas les mesures appropriées pour vérifier que les personnes qu'il engage ou celles pour qui ces dernières travaillent ne sont pas des terroristes ni n'ont aucun lien avec des terroristes » (7)


Ce rapport a fait l’objet d’une question officielle au parlement européen par le député Paul Van Buitenen : « Étant donné que l'ancien directeur de l'UNRWA Peter Hansen a, alors qu'il était encore en fonction, déclaré qu'il était fort probable que des membres du Hamas faisaient partie du personnel de l'UNRWA et que l'UNRWA ne menait aucune enquête pour confirmer cela, et étant donné que l'UE finance environ 50 % du budget de l'UNRWA: quelles conséquences auront ces déclarations sur le financement actuel de l’UNRWA par l’UE? » (8)


Le 4 février ,l'agence de l'ONU d'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) condamnait le fait que: « la police du Hamas s'est emparée d'aide humanitaire appartenant à l'agence onusienne et entreposée dans l'un de ses centres de distribution de Gaza. »(9)


Le même jour ,les Nations unies publiait une clarification sur l’attaque israélienne contre une de leurs écoles dans la bande de Gaza qui avait déchaîné la presse entière contre Tsahal, affirmant que l'établissement n'avait pas été touché contrairement aux premières allégations réduisant à néant l’une des plus vives accusations de nos médias (10)


Ainsi il apparaît clairement que le Hamas s’est joué des organisation internationales , notamment humanitaires et a manipulé les unes et les autres sans vergogne. Mais les contempteurs d’Israël ,naïfs ou aveuglés de haine n’en tiennent aucun compte et font mine d’ignorer ces informations.


La population de gaza a été prise délibérément en otage par le gouvernement du Hamas visant par ses provocations à contraindre les israéliens à intervenir en faisant le plus de victimes civiles possibles, cette manœuvre ayant pour seul but de décrédibiliser l’Etat hébreu aux yeux de l’opinion occidentale.


Malgré ces faits accablants pour le Hamas, malgré les témoignages nombreux , force est de constater l’absence de tout relais au sein des grands groupes de presses .


Pourquoi ces révélations n’ont pas eu la même diffusion que celles dénonçant l’état hébreu? Pourquoi jamais la Une du Monde ou du Figaro pour ceux qui critiquent les méthodes du mouvement islamiste?


Ce type de comportement permet à Emmanuel Dubois, expert auprès de l’ESISC de dénoncer : « …la complaisance des élites européennes et occidentales vis-à-vis des thèses anti-israéliennes, même lorsque cela implique un soutien aux islamistes… » (11)


Si ces informations ont bien été diffusées dans certains médias , il est permis de critiquer leur mode de traitement , leur absence de mise en valeur.


Une première page, un titre en Une valent mieux que dix articles de fond surtout dans une société pressée et avide de sensationnel.


C’est pourtant à cette société fragile que nos organes d’information ont servi pendant 3 semaines, un « prêt à penser » visant à faire d’Israël un monstre froid .


Ces méthodes illustrent parfaitement les propos de Daniel Cornu dans Ethique de l’information (12) dans lequel il cite les causes de la perte de crédibilité du journalisme:


« - les défaillances dans la vérification des informations, sous l’influence conjuguée des lois du marché, de la vitesse de l’information …


- la mise en spectacle de l’information qui privilégie certains aspects de la réalité pour rester dans la course à l’audience ou au lectorat… »





Serge Mazouz


Notes :


1 Journal de France info du 16/01/2009
2 Ouest France du 30/01/2009
3 Corriere della Sera du 21/01/2009
4 Le Monde.fr du 30/01/2009
5 Amnesty internationale . Mars 2009.
6 le Point.fr du 26/01/2009
7 Washington Institute for Near East Policy
8 source Parlement européen.
9 NouvelObs.com du 06/02/2009
10 Le Figaro.fr du 04/02/2009
11 Emmanuel Dubois Opération Plomb durci à Gaza :analyses et perspectives p 26 (note de l’ESISC)
12. Cornu D. Éthique de l’information. Que sais -je n° 3252. PUF 1997. p.9.ZA


© 2007, 2009 Objectif-info.fr.

0 commentaires: