Les derniers événements ne font, hélas, que confirmer notre analyse du 18 janvier.
Dans notre article “L’insupportable scandale du cessez le feu unilatéral” nous nous demandions au sujet de nos dirigeants “pourquoi se trompent-ils aussi grossièrement ?”. Et nous répondions : ” Tout simplement parce qu’ils sont des idolâtres de “l’art politique”, tout simplement parce qu’ils n’ont pas compris que c’est l’Histoire qui s’impose à la politique et non la politique à l’Histoire.”
Tout le monde est resté quelque peu perplexe par la conclusion inattendue et hâtive de la bataille contre le Hamas. Or ce n’était nullement une fausse manœuvre mais un calcul délibéré au terme d’une analyse politique de nos politiciens israélo-européens.
Quels étaient leurs calculs ?
Israël (ou plutôt le trio gouvernemental, Olmert, Barak, Livni ), l’Egypte, les Etats-Unis, l’Autonomie Palestinienne et l’Union Européenne ont élaboré un “scénario” en quatre étapes apparemment astucieux et habile pour l’après-Gaza.
Tout d’abord, ignorer le Hamas défait par Israël et considérer que tout se décidera pour la suite sans lui. Seule l’Autorité palestinienne dialoguerait avec lui à la condition qu’il s’y intègre, donc en reconnaissant implicitement le principe de deux Etats et le processus de paix avec Israël. Ainsi Abbas se trouverait seul interlocuteur au nom de tous les Palestiniens et de l’Occident en réduisant le Hamas à un “détail”, si l’on ose dire. Dans le cas où le Hamas continuerait à lancer des roquettes sur Israël, il est prévu que Tsahal serait en droit de riposter et de le mettre définitivement hors d’état de nuire. Bref, le Hamas sera contraint de cesser d’être une organisation terroriste pour se transformer en mouvement politique.
Second volet du plan, créer une situation la plus normale possible à Gaza en apportant très rapidement à la population une vie quasi normale : nourriture, eau, électricité, circulation, commerce etc. afin qu’elle ait le sentiment qu’on l’a prise enfin en main et qu’elle puisse reprendre confiance en l’avenir
Une opération humanitaire internationale massive s’engage déjà afin de porter secours aux blessés. Israël participera largement à cette entreprise en créant des infrastructures à la frontière pour accueillir les milliers de personnes nécessitant des soins.
Un troisième volet sera de mettre un terme à la violence en empêchant le réarmement de Gaza par voie de contrebande. C’est l’Egypte qui aura à charge de sécuriser la frontière entre elle et Gaza tandis que parallèlement, l’Autorité palestinienne assurerait le contrôle des points de passage et l’identité des personnes.
Pour couronner le tout, il faudra enchaîner rapidement la conclusion d’un accord de paix définitif entre l’Autorité et l’Etat d’Israël, avec le soutien des Etats arabes dits modérés et de la communauté internationale.
Ainsi la parenthèse du Hamasland sera fermée et l’influence de la Syrie et de l’Iran sera terminée.
Les USA et Obama offriront des perspectives nouvelles à ces deux pays en les appelant à rejoindre la Communauté internationale dont ils se mettent à l’écart depuis des années.
Tout cela a l’apparence de la raison et semble cohérent. Il s’agit bien d’une vision globale et politique pour le Moyen-Orient et que, paradoxe, les principaux acteurs y compris Israël rejettent. Tout cela implique un coût très lourd pour Israël invité à renoncer au Golan et à Jérusalem-est, ce que le trio Olmert, Barak, Livni a déjà commencé à préparer bien qu’il soit loin de représenter la majorité de la population.
Ce n’est pas la moindre des objections.
Quoi qu’il en soit, malheureusement pour ses concepteurs, la réalité n’obéit pas forcément aux projets et plans imaginés par des politiciens dans le confort de leur bureau. Ah, si l’Histoire voulait bien se soumettre aux politiciens, le monde pourrait connaître la paix ! Tout au moins le croient-ils…
La réalité, comme le cœur, a ses raisons que la raison ne connaît pas. Le Hamas n’a nullement l’intention de se transformer en agneau docile. Déjà il essaye de confisquer le travail de remise en état de la bande de Gaza et exige à hauts cris que les subventions pour la reconstruction lui soient confiées. Déjà, il a reconstitué ses milices pour diriger la population.
Par ailleurs, ni l’Iran, ni la Syrie ne sont prêts à capituler en rase campagne. Ils n’auront guère de mal à relancer leurs activités souterraines pour miner les beaux projets de nos brillants stratèges. Imagine-t-on que la Syrie serait vraiment prête à libérer le Liban de l’emprise du Hezbollah qui tient le flanc sud du Liban ? Imagine-t-on que l’Iran renoncerait à l’arme atomique et à l’élimination d’Israël, dernier bastion pour ouvrir toute grande l’Europe à la conquête islamiste. ?
Ce ne sont pas quelques concessions ou quelques avantages qui inciteront le front islamo-arabe à reconnaître Israël, ni à mettre un terme au terrorisme, ni à renoncer à l’arme atomique ou au Liban. Les calculs des politiciens occidentaux sont tout simplement dérisoires.
Il faut arrêter de faire de la politique de salon et d’échafauder des combinaisons douteuses à la hauteur des marchands de tapis. On peut tromper le chaland avec de la publicité mais non des personnages qui sont habités par des ambitions et des visions du monde à l’échelle de la planète. Il est facile mesurer l’écart, le fossé même qui sépare les ambitions de ces acteurs politico-historiques aux propositions et avantages que cherchent à faire miroiter quelques politiciens et théoriciens imaginatifs ou naïfs. On n’a pas trompé Hitler en lui offrant la Tchécoslovaquie ou l’Autriche en contrepartie de sa volonté d’un empire nazi à l’échelle de l’Occident. On ne trompera pas davantage les islamistes, de Ben Laden au Hamas en passant par l’Iran, en leur offrant de présider un mini état palestinien. Ils disent et proclament qu’ils veulent le califat du monde et un islam couvrant la planète. Même la Syrie, qui a une ambition bien plus mesurée, ne sera pas trompée par quelques manœuvres ou menaces limitées. La Syrie ne veut pas seulement le Liban, elle veut reconstruire la Grande Syrie et Hafez el Assad n’a pas caché que l’ambition de la Syrie était la Grande Syrie historique et que l’Etat Palestinien, l’Etat d’Israël et la Jordanie n’étaient à ses yeux que des étapes provisoires en gestation dans la Grande Syrie historique ayant pour capitale Damas. Pour le Baath, la Grande Syrie, l’Egypte et l’Irak devraient seuls s’étendre à tout le Moyen-Orient. La Syrie ambitionne plus encore : l’unité du monde arabe moyen-oriental, peut-être sous sa direction. C’est énorme, pensez-vous, mais rappelons que l’Iran et les islamistes voient beaucoup plus grand, loin dans tout l’Occident et loin en Asie.
La seule chose qui arrêtera ces fanatiques est un échec assez considérable pour leur ouvrir les yeux. L’Allemagne visait l’empire de l’Occident et le Japon l’empire d’Orient. Ils ont subi une défaite catastrophique. Mais malgré la défaite, ils ont pu garder d’immenses ambitions plus respectables. L’Allemagne et le Japon ont aussi créé des empires industriels et commerciaux pour le plus grand bien de l’humanité.
Les islamistes, l’Iran et la Syrie n’ont pas encore connu la défaite salvatrice qui canaliserait leurs ambitions vers des fins plus louables.
C’était une erreur impardonnable d’avoir relâché l’étreinte avant que le Hamas ne soit “échec et mat”. Le Hezbollah aurait compris la leçon et l’Iran aurait réfléchi.
Les politiciens ne sont que des politiciens. Churchill, Roosevelt et de Gaulle étaient des hommes d’Etat. Ben Gourion, Goda Méir et Menahem Begin étaient aussi des hommes d’Etat. On a honte de l’abaissement pitoyable de la petite oligarchie politique qui a fait main basse sur Israël.
Et l’Occident ne semble guère mieux loti.
par Nessim Cohen Tanugi
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